La Bourgogne : une histoire, une culture et un renouveau brassicole

Une histoire qui remonte au 15ème siècle

L’histoire de la bière en Bourgogne se fait majoritairement connaître grâce à un acteur téméraire : Jean Sans Peur, Duc de Bourgogne de 1404 à 1419.


La région à l’époque s’étend jusqu’aux Flandres en Belgique. Juste avant sa mort, Jean Sans Peur crée en 1419 l’Ordre du Houblon, par lequel il impose l’usage du houblon dans le processus de brassage pour améliorer et stabiliser le goût de la bière. On lui reconnait déjà également ses qualités antiseptiques et aromatiques. Un édit datant de 1435 impose le nom de « bière » à la boisson, jusque là connue en tant que cervoise.



La Bourgogne, terre de brassage

La Bourgogne est devenue la 3ème région de France productrice d’orge, un des piliers dans le processus de brassage.

Cette région peut en effet se vanter de 750 000 hectares dédiés à la culture de céréales avec 5 millions de tonnes (Mt) de céréales produites par an, dont 1.4 Mt d’orge et 2.4 Mt de blé tendre*. Les orges récoltés pour la fabrication de malt doivent avoir un taux de protéines très faible et les agriculteurs de la région sont reconnus pour leur maîtrise de techniques culturales pour obtenir une qualité optimale d’orges brassicoles.

* Source : ViaVoice-Passion Céréales 2020

La région voit aussi se développer des houblonnières ainsi que des houblons spécifiques à ce terroir tels que le Précoce et le Tardif de Bourgogne.

Aux environs de 1854, le houblon commence à se cultiver autour de Seurre, dans la Saône, avec d’excellents rendements. En 1927, la région était dotée de 910 hectares de houblonnières, soit un quart de la surface cultivée en France. D’ailleurs, entre la fin du XIXème siècle et les années 60, la plaine de Saône est un lieu privilégié pour cultiver du houblon. 97% des plantations de la région se trouvent maintenant au Nord Est de Dijon. La surface de plantation de houblonnières est aujourd’hui autour des 800 hectares.

Le Précoce de Bourgogne est répertorié comme un houblon aromatique bien qu’il soit très discret. Il est cultivé en très petites quantités jusque dans le début des années 80s, uniquement dans la région. Avec un taux d’alpha compris entre 3 et 4%, on lui attribuait des notes herbacées de laurier, d’anis avec une pointe d’abricot et de fruits jaunes.

 Le Tardif de Bourgogne quant à lui, naît dans la région Alsacienne. Très difficile à trouver sur le marché, il est également classé en houblon aromatique, semblable aux houblons nobles allemand et à son parent, le précoce de Bourgogne.

D’autres variétés locales ont existé à toute petite échelle tel que le Landhopfen, dit « Alsacien de Bourgone » créé en 1921, du Saaz local, ou encore l’Ordinaire de Bourgogne, également appelé le commun de Bourgogne, possiblement un cousin de l’Alter Hallertau.

Les houblons bourguignons semblent posséder les mêmes qualités que ceux de la Bohême, riches en lupuline, très fins, destinés davantage à des bières de fermentation basse. Malheureusement, l’ère du temps favorisant les houblons très aromatiques américains pour des IPAs, ces houblons sont souvent délaissés.

Les brasseurs de la Brasserie des Trois Fontaines, Peggy et Virgile Berthiot, cultivent d’ailleurs de l’orge de type “Scarlet” et du Tardif de Bourgogne, afin de recréer une bière de terroir et de tradition bourguignonne.


Le vin… mais pas que !

Connus pour ses hospices et ses vignerons, Beaune et ses environs se sont fait une place sur les cartes touristiques et nombreux sont ceux qui sillonnent la France pour s’y rendre et faire une dégustation de vin.

Et pourtant, elle fut longtemps terre d’accueil brassicole. Des articles datant de 1924 relatent d’ailleurs l’importance du brassage dans les foyers : un article de l’Avenir Bourguignon explique : « chaque feu, ou pour mieux dire chaque ménage, produisait la quantité de bière indispensable à ceux qui en faisaient partie ».

Une grande tradition de la bière s’installe dans la région car les vignes, souvent détruites par des infections, maladies ou des guerres, offraient à l’époque un rendement beaucoup moins rentable. Le vin devient alors trop cher et moins consommé par la majorité de la population.

Dès le XVIIIème siècle, la production de la bière se développe et devient quasi industrielle vers la fin du XVIIIème siècle, avec notamment l’arrivée des frères Walter, brasseurs alsaciens. S’installant à Beaune pour brasser en 1794, ils sont initialement blâmés par la population de la ville pour avoir mis le feu à leur établissement deux fois et pour la saleté du lieu. Une lettre du maire de Beaune au ministre de l’intérieur relate les faits : « cette maison qui devait par son extérieur propre et décent annoncer sa destination, est, pour ainsi dire, un réceptacle d’immondices. Bien plus, elle court risque d’être incendiée ; le feu a déjà pris deux fois chez le brasseur. Ainsi la mairie se trouve au milieu d’ateliers bruyants et fort incommode pour les personnes qui travaillent ». De même, un extrait d’une délibération datant du 4 septembre 1810 explique que le brasseur « incommode tout le quartier et détériore singulièrement la partie qu’il occupe, elle est toute noire de fumée ».

Pierre Walter déménage alors au boulevard St Nicolas et est succédé en 1828 par M. Pingaud. En 1843, sa brasserie atteint une production de 1500HL de bière par an, et se retrouve commercialisée de Beaune à Autun. Avec une culture locale d’orge et de houblon, le marché brassicole avait toutes les clés en main pour son essor.

La brasserie passe par la suite entre les mains de M. Bazin, puis M. Modret, avant d’être reprise en 1862 par Jules et Armand Ricaud. Ce derniers sont très réputée sur la scène Beaunoise et modernisent la brasserie avec des nouveaux outils et cette dernière prospère jusqu’à la seconde guerre mondiale.

Pendant ce temps à Dijon, les premiers établissements brassicoles datent de 1790. En 1950, pas moins de 50 brasseries étaient actives dans la région ! Celles-ci ont souffert de l’industrialisation du marché, avec une course vers des produits standardisés et à prix moindres. Le panorama brassicole bourguignon s’étouffe, une mort accélérée par les lobbies agressifs du vin dans la région visant à attirer et croître l’activité touristique.

La bière au cœur de la Bourgogne

 Avec le renouveau de la Craft en France, la Bourgogne ne déroge pas à la tendance. A présent, près de 40 brasseries artisanales sont en activité dans la région, dont la moitié se sont créées dans les 5 dernières années !

Son héritage vinicole, plutôt que de freiner la production semble au contraire inspirer les brasseries : fermentations sauvages, vieillissements en barrique, fermentations sur lie de raisin… Un monde de fusion entre les boissons se dessine pour créer des brassins fabuleux et décidément français !

La Brasserie de France ouvre ses portes à Beaune cette année et pourra prochainement proposer cours de brassage et ateliers de dégustation. Le projet de ce petit nouveau est de pouvoir ouvrir une école de brassage certifiée par l’Etat.

L’association « La Confrérie des Chevaliers de Gambrinus » a d’ailleurs été créée pour promouvoir la culture brassicole locale et pour cela crée en 2016 les Houblonnades, un festival de bière 100% Bourguignon.

De même la bière commence à trouver sa place dans le monde de la restauration, et notamment à la carte du restaurant doublement étoilé Le Chapeau Rouge.

Amateur de bière de passage à Dijon ? Il ne faut surtout pas rater les Moulins Bleus, une crêperie de jour et cave à bière (extrêmement bien approvisionnée) de nuit !

Pour les végétariens, ou tout simplement les curieux, un passage s’impose chez Betterave. Aux côtés de ses assiettes saisonnières, colorées, et délicieuses, de la bière locale est toujours en pression avec un bon choix de bouteille et canettes.

Enfin, voici quelques brasseries à découvrir lors de votre prochain passage dans la région.

Dijon :

Beaune :

Dans la région :

Cette région en plein essor brassicole ne cesse de me surprendre. Avec toutes ces nouvelles créations, j’ai hâte de voir la transformation de sa scène craft, son positionnement dans cette région résolument vinicole et par conséquent sa place sur la carte brassicole de France.

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