Quand boire une bière devient engagé
FOMO, tendances, positionnements et politiques… La pression monte dans le Craft!
Les quelques prochains articles sont nés d’un constat: la volonté d’évoluer dans le monde de la bière artisanale s’accompagne d’une réelle pression.
Le besoin d’être informé(e) de toutes les nouveautés, de connaître les acteurs du milieu, de tester les brassins, et de prendre part aux événements est constant. 99% du temps, c’est un réel plaisir et ce pour quoi je me suis orientée dans ce milieu: de travailler avec des amis, des passionnés avec qui je partage et découvre sans cesse un produit innovant et convivial. Mais parfois, je suis consciente d’être clairement victime de FOMO, de devenir le premier mouton à succomber à l’appel des réseaux sociaux, et de m’engrainer dans des positionnements et débats dans lesquels je ne voulais même pas rentrer.
Depuis quand boire une bière est un acte engagé?
PARTIE I: La pression de la FOMO
La FOMO, (Fear Of Missing Out) est une angoisse psychologique déterminée au 21ème siècle qui désigne la peur de rater quelque chose, de ne pas être à la page, d’être exclu de quelque chose d’éphémère et exclusif. C’est un concept relativement nouveau car le plus souvent engendré par les réseaux sociaux : on voit qu’il se passe un événement intéressant voire incroyable dans la vie des autres et on a le sentiment d’être écarté et laissé pour compte.
Si vous regardez les définitions du FOMO, ce malaise est parfois décrit comme une peur, un mal-être, une angoisse constante; un sentiment qui est renforcé par la visibilité et l’instantanéité des réseaux sociaux.
Dans le monde de la bière, cela se traduit par un défilé de tap-take-overs en présence des brasseurs, de festivals, mais également par des sorties quotidiennes de nouveaux brassins et de collaborations. Nous sommes loin des brasseries qui ont une gamme permanente de trois ou quatre bières, leur blanche, blonde et rousse ou brune.
Maintenant, les brasseries se réinventent et se dépassent constamment pour animer une gamme vivante et éphémère, avec des recettes toujours plus innovantes et expérimentales. C’est à qui va pouvoir tester le dernier HBC, cryo ou frozen hop dans sa bière en premier. Que ce soit pour les brasseurs ou les consommateurs, cela engendre un besoin de prendre part à ce mouvement.
Le consommateur s’engage en se tenant informé des dernières nouveautés, en mettant la main dessus, et en testant la bière, tout en postant sur Instagram, en story ou en notant sur Untappd. Il y a cette urgence de tout goûter, de prendre part à l’innovation, tout en s’assurant une visibilité que ce soit aux événements ou sur les réseaux sociaux.
La High Density Hop Charge de la brasserie Outland, un défi houblonné
Les collaborations entre brasseries sont redoutablement efficace : un croisement de deux mondes, pour un brassin limité en quantité et dans le temps, une expérience éphémère et exclusive à ne surtout pas rater. Même sans le vouloir, la promotion de cette collaboration s’appuie clairement dans ce cas sur le sentiment de FOMO.
Même les DLUOs sont exploitées dans ce sens avec la mode des IPAs fraîches et houblonnées. En effet, le consommateur vérifie la date de conditionnement pour avoir le produit le plus frais possible. Or, avec la durée de vie de plus en plus courte donnée par le brasseur, quel meilleur moyen de promotion pour s’assurer une ruée sur la nouveauté et une rotation de gamme permanente ? Il devient crucial de non seulement tester le produit, mais de le goûter le plus rapidement possible, pour qu’il soit sous son meilleur jour.
Enfin, ces gammes éphémères permettent aux brasseurs de tester constamment de nouvelles recettes, d’innover et de surprendre à travers des canettes qui deviennent des objets de collection ! Une nouvelle recette combinée avec une étiquette esthétique attisent la curiosité et les papilles des consommateurs.
Fauve est connu pour sa large gamme de bières et de collaborations artistiques, sans cesse renouvelées et innovantes.
Ceci m’amène à mon prochain sujet d’article: les tendances de plus en plus éphémères qui propulsent les ventes des brasseries artisanales. Décernant une croissance dans les modes que ce soit au niveau des ingrédients, que des recettes, des collaborations entre brasseurs ou avec des artistes, les tendances défilent et renforcent ce sentiment de FOMO chez le consommateur… Mais aussi chez les brasseurs qui doivent être constamment à l’affut pour surprendre !