Single Hop Sorbets

Quand le houblon s’invite au dessert

Le chef Victor Leclercq, aux rênes du restaurant La Fine Mousse, a bien voulu expérimenter avec les houblons de Brook House Hops pour un dessert original : un sorbet au houblon.

Brook House Farms est une ferme et un verger basés dans le Herefordshire en Angleterre, qui cultive également une houblonnière parmi ses pommiers. Aux côtés des houblons de la ferme, elle propose également des houblons importés des Etats-Unis et de Nouvelle Zélande.

Passionnée par cette petite plante, mon souhait est de la voir se développer ailleurs que dans la bière pour en souligner les richesses aromatiques. J’ai donc contacté Victor pour explorer comment l’exploiter dans l’assiette. Chef depuis 2017 à la Fine Mousse, il a une expérience et une connaissance solides des accords bières et mets et aime expérimenter avec de nouveaux ingrédients et de nouvelles techniques. Il était donc ravi de relever le défi en me proposant pour la rentrée de tester des sorbets aux houblons. J’étais immédiatement convaincue !

La sélection des houblons utilisés s’est donc faite en prenant en compte le taux alpha acides de chaque houblon. En effet, nous ne voulions pas trop d’amertume afin de privilégier l’aromatique. Ensuite, afin de s’assurer de profils et de terroir très différents, nous avons sélectionné un houblon anglais, un américain et un néo-zélandais.

C’est ainsi que le trio de sorbets a été conçus, featuring du Bramling Cross anglais, du Willamette américain et du Pacifica Néo-Zélandais.


Bramling Cross 

Ce houblon assez rare est le résultat d’un croisement entre le Golding et un houblon canadien sauvage, le Manitoban. Créé en 1927 à Wye College, il est particulièrement apprécié pour sa complexité et utilisé en houblon aromatique.

Profil aromatique porté sur les fruits noirs, du cassis, de la myrtille, des prunes, avec selon certains des notes de citrus. C’est d’ailleurs un houblon privilégié pour les bières aux fruits, ou les bières de Noël un peu plus épicées.


Willamette 

Un des pilliers de l’industrie de houblons américains, Williamette est un des plus cultivés des Etats-Unis. Certifié en 1971, il est très similaire au Fuggle anglais.

Houblon très complexe car il est à la fois aromatique et assez amérisant, il offre des notes herbacées, florales et parfois un peu épicées.



Pacifica 

Descendant du Hallertau Mittelfrüher allemand, ce houblon est cultivé en Nouvelle Zélande depuis 1994. Il s’est fait connaître en grande partie grâce à Sierra Nevada qui l’a utilisé dans son “Fresh Hops Ale” en avril 2014.

Il est surtout apprécié pour ses qualités aromatiques, particulièrement florales. On y perçoit également des nuances d’agrumes, particulièrement d’orange lorsqu’il est utilisé en houblonnage à cru.


Les trois exploités en dry-hop (donc sans cuisson) avec du sucre, de l’eau et du blanc d’œuf séché pour obtenir une texture meringué, ces sorbets sont blancs comme neige et d’un aspect assez lisse.

Des petites boules de neige aromatiques !

Je commence par tester le Bramling Cross. La texture du sorbet est très réussie et offre une attaque soyeuse mais puissante. Les notes aromatiques sont bien sur l’amertume fruitée, cependant assez doux et avec une longueur verte.

Je passe ensuite au Willamette, craignant que son amertume soit peut-être trop puissante pour ce type de dessert. Force était de constater l’intérêt de cet exercice culinaire car le Willamette s’est révélé beaucoup plus harmonieux. On y sentait toute la puissance florale du houblon, avec une texture soyeuse et une longueur soutenue. L’amertume, toujours présente, était parfaitement équilibrée par la rondeur du sorbet pour un dessert vraiment fin et original.

Enfin, le Pacifica a été très surprenant. Pourtant doté du moins d’alpha acide, c’est une vraie explosion houblonnée qui a lieu. On y sent bien les notes fruitées et une amertume rappelant la marmelade, mais son amertume était trop présente (et persistante en longueur) pour déguster ce sorbet seul en dessert. Pour autant, utiliser ce houblon en émulsion avec un plat, de la betterave rôtie ou un ceviche, aurait tout son sens !


De façon générale, l’accueil était plutôt favorable pour ce dessert de la part d’une clientèle de curieux gourmets. Je conviens que pour un dessert équilibré, il aurait fallu peut-être une touche de gourmandise, une poire pochée, un crumble… Mais le pari était réussi : créer un sorbet gourmand, léger et fin, mettant en valeur les caractéristiques aromatiques du houblon et de son terroir !

Personnellement j’ai apprécié la dégustation aux côté d’une 3 Fonteinen Framboise.

 Un grand merci à Victor pour ce travail, j’ai vraiment hâte de pouvoir continuer à explorer ces voies gastronomiques pour mettre en lumière le houblon sous toutes ses formes !

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