Fusing Food & Fermentation

Quand les accords prennent une autre dimension chez Humus x Hortense

Nous avons l’habitude du pairing vin et gastronomie, de choisir un vin qui s’accorde bien avec le plat choisi, qui puisse souligner certaines saveurs sans trop prendre d’ampleur sur le repas. Mais pourquoi ne pas aborder l’accord comme on le ferait pour un assaisonnement ?

Humus x Hortense a relevé ce défi. Avec Nicolas Decloedt aux fourneaux et sa compagne Caroline Baerten chargée de la carte incroyablement riche des boissons, ils réinventent non seulement la cuisine gastronomique végétarienne, mais également la conception des accords mets et boissons. Il faut vite découvrir ce bijou logé à Bruxelles !

A la base, j’avais réservé dans cet établissement car je suis toujours intriguée par les restaurants gastronomiques proposant des cartes végétariennes. N’étant pas forcément végétarienne moi-même, j’ai remarqué que cette limite poussait parfois les chefs à se réinventer, à aller encore plus loin dans les cuissons et les préparations des légumes pour créer des chefs d’œuvres aussi originaux que délicieux.

Humus x Hortense est non seulement un végétarien (en passe de devenir végan) ayant reçu l’étoile verte du guide Michelin, c’est également un restaurant classé parmi les 10 meilleurs restaurants végétariens au monde.

Le cadre est floral et aérien avec une cuisine ouverte et une équipe professionnelle et chaleureuse. J’avais donc extrêmement hâte de découvrir leurs propositions et j’ai été d’autant plus ravie à mon arrivée de voir que la carte des boissons est tout aussi étudiée et qualitative que celle des plats ! Du vin certes, mais également une carte de bières proposant des bières locales belges, de l’Antidoot, du Drie Fonteinen et du Cantillon… Mes papilles salivaient déjà.

Nous avons opté pour le menu « all in » avec les accords inclus. Ayant la possibilité de choisir avec ou sans alcool, (on a pris avec !) on nous prévient que les accords peuvent être sur des cocktails, vins, bières ou spiritueux.

Accueillis avec un défilé d’amuses bouches délicieux et créatifs avec un choix de cocktails spécialement conçus pour cette ouverture de repas !

Je n’ai pas regretté mon choix une seconde !

Je ne rentrerai pas dans les détails de chaque assiette (je vous laisse consulter ce magnifique menu) mais je voulais m’attarder sur les accords proposés. Jamais je n’ai goûté de boissons préparés aussi minutieusement avec en tête un seul but : assaisonner le plat. Chaque accord a été pensé comme un jus, une infusion, une épice qui vient sublimer l’assiette.

Chawanmushi aux poireaux - Gin à l’Estragon

Après d’étonnants cocktails, le premier plat est un « chawanmushi* » aux poireaux servis avec une fleur de poireau snackée. L’accord proposé est un gin à l’estragon, extrêmement doux et frais. L’estragon relève la douceur du poireau tandis que le gin vient trancher la rondeur de l’œuf du chawanmushi. Le tout est souligné par des notes de miso dans le plat et le gin permet d’alléger l’ensemble. Un accord non seulement complémentaire, mais je dirais que la dégustation du plat sans le gin manquerait peut-être même d’aromatique et de peps. L’ensemble est tout simplement bluffant !

Chawanmushi: 茶碗蒸し, cuit à la vapeur dans un bol à thé — chawan 茶碗, « bol à thé » ; 蒸し, « vapeur » — est une crème salée aux œufs de la cuisine japonaise.

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Fèves du Marais, émulsion de lentilles vertes et gelée de géranium - Vodka infusée aux herbes

Ce service est tout en finesse dans l’assiette, la fine gelée se faisant un condiment floral quasi fondant dans l’émulsion et accompagnait parfaitement la mache des fèves du Marais. L’accord ? tout simplement une vodka infusée aux plantes, herbacée et mentholée pour souligner la fraîcheur de l’assiette.

Les doses des accords paraissent petites au premier abord, mais au vu de l’intensité des goûts et le défilé d’alcools dont nous allions être gâtés, c’était parfaitement dosé !

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Kohlrabi confit avec du ponzu et gozujang - Drie Fonteinen, Kweeper 2021

Pour ceux qui, comme moi, n’ont aucune idée de la signification des ces termes, c’est une petite assiette de chou rave confit et revisité à la japonaise. Le ponzu est un assaisonnement à base de jus d'agrumes acides japonais sudachi, yuzu, kabosu, etc., ici fait maison bien sûr. Le gozujang est un condiment fermenté coréen piquant, souvent confectionné avec du piment rouge, de la pâte de soja fermentée, de la farine de riz gluant et des germes de blé… tout simplement !

L’ensemble est donc assez salé avec une dominante de cuisson au charbon, presque fumé et très intense en terme de goût. Comment trancher cette amertume ? Une magnifique Drie Fonteinen, la Kweeper, une gueuze aux coings de 2021, d’une acidité tranchante en attaque, suivie d’une rondeur aux fruits. Le coing apporte une gourmandise au plat et une touche de fruit et de sucre à un ensemble plutôt salé et amer. L’acidité et les fines bulles complètent l’accord avec de la fraîcheur et l’ensemble est d’une justesse milimétrée.

Petite parenthèse avant le plat de résistance avec ce ravioli au kimchi et fenouil, avec un jus de safran… divin.

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Le plat de résistance

Risotto safran au fenouil confit et ail sauvage, accompagné d’un oignon braisé et d’un condiment d’amandes fermentées - Electrico, Fino 3 Fases, Pedro Ximenes, Bodegas Albadi

Un risotto léger et aromatique, quasi croustillant grâce au fenouil avec un assaisonnement à l’ail qui fait saliver à la première bouchée. Le petit oignon braisé est d’une douceur folle, surtout avec un peu de condiment d’amande sur la fourchette.

Le Sherry en accord est liquoreux et puissant. Sa sucrosité matche celle de l’accompagnement et les notes de noix soulignent l’ail et les nuances très rustiques du risotto. Une fois de plus, une envie de verser un peu de sherry dans l’assiette pour que l’accord se fasse à chaque bouchée !

C’était très intéressant de voir que le chef a fait goûter l’accord à son sommelier avant qu’il nous serve. Après avoir discuté un peu avec l’équipe, on apprend que bien que les alcools et boissons soient choisis par Caroline Baerten, toute l’équipe est appelé à goûter et donner son avis sur les pairings. Ainsi, on a non seulement un sommelier très talentueux à notre table, mais également un passionné de goût qui est ravi de partager son expérience avec nous et expliquer la carte et les choix - parfois assez osés !

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Fraises, Amazake & Fleur de Sureau - Milkpunch, Rhum Blanc & Camomille

Arrive finalement ce moment attendu et redouté à la fois: le dessert. Ici, de petites fraises fraîches dans un amazake doux et crémeux et un sorbet fleur de sureau. De petites meringues et quelques plantes comestibles apportent de la fraîcheur herbacée et du croquant à ce dessert tout en douceur.

Amazake: un yaourt fermenté au koji, la base du sake, souvent fait avec du riz.

L’accord avec le rhum et la camomille complète ce moment de gourmandise qui annonce la fin de soirée. Les notes vanillées du rhum se marient bien avec les fraîses, de même que ses notes épicées apportent un petit twist un dessert qui sans cela serait un poil “sage”. L’amazake légèrement acidulé est suprenant et une fois de plus, idéal avec la boisson douce et les notes de camomille.

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Pensant voir arriver le café, quelle belle surprise que cette dernière assiette qui vient “resetter” le palais. Des petits morceaux de rhubarbe, certains confits et d’autres fermentés en pickles, avec de petites touches de crème et de meringue, surmontés d’un petit sorbet au pin.

L’ensemble est doux, croquant, acidulé & gourmand… mais surtout, très, très frais ! Idéal avant le café pour se remettre de tout ce que l’on a dégusté.

Même le café est proposé frappé et accompagné de deux mignardises.

L’une est un petit sablé avec un sorbet aux noisettes et une petite touche de gelée de citron.

L’autre s’est faite l’élue de mon coeur : une petite tartelette aux cerises sur une mousse… de marc de cerises de Kriek de Cantillon. Après les bières aux fruits, faîtes place aux pâtisseries faites avec les fruits ayant servis aux fermentations !

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C’est sur un petit nuage que se termine ce repas, avec une impression de satiété (du ventre et du palais), une curiosité à la fois satisfaite et aiguisée, et une énorme envie d’y revenir !

Surtout, ce restaurant remet en question tous les accords auxquels nous sommes habitués. N’ayant pas eu un seul verre de vin proposé en accord (seul un sherry assez liquoreux et puissant), c’était impressionnant de découvrir la richesse des suggestions. Cela ouvre les yeux sur le chemin qu’il y a encore à parcourir pour explorer la richesse de la gastronomie et de nos produits.

De quoi inspirer beaucoup de chefs et sommeliers à repousser les traditions, cultures et limites !

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